~L'Ombre Blanche~
Je suis un démon. Je crois que c'est la seule et unique définition. L'ange en moi qui existe dans tout le monde à l'origine a, à jamais, péri. Je suis le noir total. Le mal incarné. Le mal… non, personne ne peut vraiment connaître le mal absolu dans le commun des mortels. La preuve : je suis déjà mort.
Je suis un démon assoiffé de sang et de ténèbres. J'aime la souffrance et la solitude. Mais qu'est-ce que la souffrance? Est-ce vraiment de la souffrance que de s'entailler et se faire saigner, quand on aime s'entailler et se faire saigner?
La lumière du bonheur pur et innocent n'est plus rien pour moi. On m'a appelé démon pour me blesser, désormais, je suis un véritable démon, pour tuer, avec rage, et une joie sans bornes, une véritable démence d'empare de mon âme de ténèbres quand je tue. C'est de leur faute, alors voilà une punition bien appropriée.
J'aime la mort et la peur. J'aime leur imposer cela car ce sont là des choses que je ne crains pas. Je n'ai pas peur de mourir. Si ce qu'ils disent est vrai, j'irai droit en enfer au moment de la mort. Mais je n'en ai pas peur, car je suis déjà au fond de l'abysse, et d'ailleurs, j'aime ça. Une joie pâle et fébrile, mais de la joie quand même.
Ils disent que Satan est le maître des enfers. Un ange déchu, exactement comme moi. Je l'admire, oui, je suis en adoration car Satan est pour moi l'opposé de Dieu. Ils adorent Dieu, ils me haïssent, ils craignent Satan, ils me craignent.
C'est pourquoi je n'ai plus peur de la mort : Je n'ai pas peur, car j'aime la peur et son voile presque innocent, qui fait du mal sans faire de mal. C'était la première chose que j'aimais leur montrer. Les mensonges sont des murs dans la réalité, et quand ils se brisent, ça fait mal. C'est la seule souffrance que je n'aime pas.
Je jouis de l'impureté de mes actes. Je nage librement dans cette mer qu'on a voulu m'interdire, et je me moque d'eux dans toute ma force, supérieur, différent, criant, dans cet océan de ravages et de péchés qui crie ma fureur à ma place, en une seule phrase, une seule attitude.
Car mes actes sont vils, cruels, sans pitié, mais au contraire, étrangement purs, intérieurement. Eux tissent leurs actes de mensonges, dissimulation, corruption, manipulation.
Moi, je suis assassin, voleur, sorcier et j'ai commis le péché de la luxure, si c'est comme ça qu'ils l'appellent.
Je tue toujours. J'aime sentir le sang couler sous les doigts, le long de mon visage délecté, sur mes paupières repues, mon corps souffrant de la faim, en imbiber ma longue chevelure.
Cette vie, c'est ma seule joie qui aurait pu être toutes mes souffrances.
Alors qu'est-ce que la souffrance, en fin de compte? Tentons d'y réfléchir…
Chapitre 1 :
Comme à son habitude, le jeune garçon se promenait seul dans le cimetière silencieux. Il ne pensait à rien en particulier, toisant le vide de ses grands yeux rouges, qui étaient soulignés de profondes cicatrices noires en forme de croix.
La lumière du jour commençait à faiblir, et il allait bientôt devoir rentrer chez lui.
L’air était froid et sentait la neige, mais il ne semblait pas le ressentir. Le crépuscule coloriait le bas du ciel d’un bel orange hivernal, mais il ne le regardait pas. Il aimait bien se sentir seul, plus longtemps, et plus souvent que la plupart des gens. C'était une barrière glaciale qui séparait son cœur de celui des autres et leur créait une étrange peur quand son regard croisait le leur.
Cependant, il lui restait un peu de chaleur au cœur, quand il était chez lui avec sa mère adoptive qui lui lisait des histoires devant le feu. Elle les racontait très bien, comme si elle les avait vécues. Des choses qui lui rappelaient comme de lointains souvenirs.
Bien, se dit-il, il est peut-être l’heure de rentrer.
Il tourna les talons et quitta le cimetière pour se rendre au village, alors qu’un vent léger faisait flotter sa chevelure d’un blanc légèrement violacé. Son air méprisant et son visage anormalement pâle le rendaient inquiétant et inaccessible. Il toisait les autres de haut sans jamais dire quoi que ce soit, si grandes puissent être ces personnes.
Encore un jour d'achevé, pour aller où? Pourquoi vivre? Ici il n'y avait rien, ni guerre, ni pluie de sang, ni un seul signe d'elle. Peu lui importait, de toute façon.
Il passa devant les petites maisons aux fenêtres éclairées, non sans attirer l’attention inquiète de quelques enfants plus jeunes qui jouaient encore sur l’herbe aux reflets dorés de devant chez eux.
Il les ignora et ouvrit la porte de sa maison. Il trouva celle qu’il considérait comme sa mère assise devant le feu, sur une chaise en bois.
Elle arborait une longue chevelure blanche et lisse qui lui arrivait à la taille, et des yeux rouge vif, tout comme les siens, à la seule différence qu'ils brillaient de gentillesse à l'égard de ses amis et glaçait de sévérité ceux qui menaçaient la paix de son pays. Elle était belle, mince et son visage toujours bienveillant, quoique solitaire. Ses bras pleins de grâce cachaient une force guerrière sauvage, dont elle n'avait fait l'usage depuis plusieurs années. C'était d'ailleurs à cette époque-ci qu'elle se considérait comme une jeune fille, mais n'était pas encore une femme de son point de vue.
Quand elle l’entendit arriver, elle sourit et se leva.
- Ah, te voilà. Tu rentres encore tard, Vaati… Tu flânais encore dans le cimetière?
- Oui.
Elle soupira.
- Tu m’inquiètes, parfois. Je peux comprendre que tu aimes la solitude, car c'est mon cas aussi. Mais toi tu es toujours, toujours tout seul. Tu n’aimes donc la compagnie de personne ?
- J’aime bien être avec toi.
- Tu es gentil.
Elle s’approcha de lui, lui prit son manteau et l’accrocha au mur.
- Tu peux aller t’asseoir, dit-elle sur un ton de mère attentionnée, qui ne lui convenait pas vraiment.
Le jeune garçon partit s’installer à table. Après que sa mère l’eut rejoint et servi, il commença à manger silencieusement, par toutes petites cuillères, sans rien regarder vraiment. On n’aurait su dire s’il goûtait quelque chose ou non.
- Tu n’as rien à raconter ?
- Non…
Elle le regarda soucieusement et lui dit ensuite :
- Vaati, demain je pars rendre visite à des amis. Tu viendras avec moi ?
- Je veux bien, répondit-il sans lever les yeux.
- Ils ont une fille de ton âge. Vous pourrez jouer ensemble, je suis sûre que vous vous entendrez bien.
- Peut-être.
- Elle s’appelle Priscilla. Elle est adorable.
Il ne répondit pas.
Mon dieu, pensa-t-elle, tu n’as même pas l’air d’entendre ce que je dis…
- Si, je t’ai entendu.
Elle le regarda. Peut-être avait elle parlé à voix haute, après tout.
Elle l’aimait beaucoup, même s’il était sombre. Elle se voyait en lui quand elle avait son âge. Et la fille de son meilleur ami, toute rayonnante comme elle était, lui redonnerait sûrement la joie de vivre dont il semblait privé.
Finalement, elle débarrassa la table et monta à l’étage, où elle raviva le feu de la cheminée.
- Voudrais-tu que je te raconte une histoire ?
- Oui, s’il te plaît.
- Laquelle?
- Celle de la guerrière de l’ombre et son épée des ténèbres…
- Encore? Mais… tu sais bien que je n’aime pas trop…
- Oui, mais j’aime bien celle là. S'il te plaît.
Elle n'avait plus le choix désormais.
- Oh, et bien… si tu veux. Alors… Il était une fois, une jeune fille qui appartenait à une tribu disparue. Elle était sombre et taciturne, et avait pour seule amie une épée fine et noire qui tranchait tout comme s’il ne s’agissait de rien.
- Cette épée devait être puissante.
- Vaati, je … je continue. Cette lame était dangereuse et complètement instable. Elle avait été forgée dans la haine et utilisée dans la vengeance, et elle était habitée par un désir de guerre et de sang. Et si elle était venue à tomber entre les mains d’une personne à l’esprit déséquilibré, les conséquences en seraient atroces.
- Comme quoi?
- Des choses horribles… comme des morts et des souffrances injustifiées, sur des gens innocents qui n’avaient rien fait pour.
- Ils devaient être faibles.
Elle eut un léger sursaut.
- Vaati! Je t’ai déjà dit de ne pas utiliser ce terme!
- Mais c’est vrai. Si quelqu’un avait pour but de me faire du mal, je me débarrasserais de lui avant qu’il n’ait pu poser un doigt sur moi.
-Vaati… tu es encore trop jeune pour comprendre. La guerre n’est pas un jeu. Ce n’est rien de plus qu’une chose abominable née de la haine.
- Mais la paix est revenue.
- Et il est du devoir de chacun de la préserver.
- Si c’est toi qui me le demandes, je veux bien.
- Merci, Vaati.
Elle se demandait souvent comme un garçon aussi jeune pouvait parler d'une manière si adulte.
Il tomba endormi avant même qu’elle ne termine son histoire. Il ne restait jamais assez éveillé pour entendre la fin de l'histoire, où cette jeune fille rencontrait un jeune homme qui lui enseignait sans le savoir les beautés de la vie, l'extirpant ainsi des ténèbres où elle vivait…
Elle le regarda avec attendrissement, le prit sans efforts dans ses bras et le mit au lit.
Avant de souffler la bougie, elle lui déposa un baiser sur le front et le borda. Elle se rendit à la fenêtre. Du ciel d'hiver nocturne tombaient des flocons blancs qui recouvraient peu à peu les toits rouges du village Cocorico. Les fenêtres dégageaient de chaudes lumières familiales, tandis que les ailes du moulin restaient noires et immobiles dans l’étendue bleue toute étoilée. Une petite allée menait au cimetière, invisible depuis sa fenêtre. Elle s’accouda à l’appui de bois en y repensant. Oui, elle avait bien fait de cacher sa lame fine et noire au fin fond de la tombe royale…Cette tombe était si profonde qu’il était plus que probable que l’aura de lumière, qui avait transformé le pays d'Hyrule en paradis terrestre plusieurs années auparavant, ne l’eût pas atteinte. Elle frissonna en pensant qu’il pourrait encore rester des morts-vivants dans le noir. Mais elle se calma en se disant que non seulement personne ne savait ce qui s’y cachait, mais en plus on avait besoin d’une mélodie et d’un ocarina spécial pour pouvoir y accéder.
Elle sourit en pensant au lendemain. Il y aurait de la neige, et Vaati pourrait s’amuser avec Priscilla. Quant à elle, elle était toujours heureuse de revoir son ami Link et la femme de ce dernier, Zelda, le roi et la reine du pays d'Hyrule.
A eux deux, ils gardaient sous leur protection deux fragments de la légendaire Triforce, l'artefact divin qui entre leurs mains faisait régner paix, lumière et amour sur cette splendide contrée.
Le dernier fragment, c'était elle qui le gardait. Le fragment symbolisant le pouvoir de la déesse Din, reine du feu et mère de la terre. Elle l'avait arrachée au seigneur sombre qui avait auparavant tenté de dominer ce monde en la dérobant. Mais tout était fini, désormais, terminé. Elle avait enfin achevé la tâche que les déesses lui avaient confiée et menait une vie calme et heureuse.
Fermant les yeux paisiblement, elle appréciait la douce fraîcheur du vent de la plaine qui caressait son visage pâle. Le souffle murmurant dans l’obscurité faisait léviter ses cheveux avec une grâce aquatique. Elle fut arrachée d’un coup à sa rêverie par une toute petite voix aiguë.
- Shayalen! Comment vas-tu?
Elle sourit en apercevant deux petites boules de lumière, voleter à la manière de papillons dans la direction de sa fenêtre.
- Navi? Dora! Que faites-vous ici à une heure pareille?
- On veut aller à la fête demain avec toi! s’écria Dora, la petite fée dorée, avec un enthousiasme propre à sa personne.
- En fait, continua Navi, la fée bleu argent, elle meurt d’envie de draguer Link, mais elle a peur d’y aller toute seule.
- J’espère qu’il mettra son bonnet de Kokiri! s’exclama Dora en trépignant à mi-hauteur.
- On dirait que tu n’as pas perdu cette habitude, soupira Shayalen. Cela fait des années qu’il ne s’habille plus ainsi.
- C’est vrai! continua la petite voix fluette de Navi. Le roi d’Hyrule doit se comporter comme tel!
- Moi je le trouve très classe habillé comme ça! Sa tunique verte met ses yeux en valeur.
- Je te ferai remarquer qu’il a les yeux bleus.
- C’est pas grave!
- Mais parlez moins fort! s’écria Shayalen. C’est incroyable tout le raffut que peuvent faire deux petites fées de rien du tout!
- Mais! Tu es toujours aussi méchante, se lamenta Dora.
Navi voleta à l’intérieur, en direction de l’enfant qui dormait. Elle s’approcha du visage qui luisait dans une pâleur spectrale.
- Oh, je ne savais pas que tu avais un petit garçon, Shayalen.
- Ah…
Elle s’approcha de l’enfant endormi.
- Ce n’est pas le mien. Je l’ai adopté.
- Vraiment? Il te ressemble, pourtant. Il a de longs cheveux blancs comme toi.
- Qu'est ce qu'il est chou! s'exclama Dora de sa voix suraiguë.
- Il a lui aussi les yeux rouges, continua la sheikah. Pourtant…
- Pourtant?
- Ce n'est pas un sheikah. Je peux ressentir que son aura est différente de celle des membres de ma tribu. Je n'ai jamais senti une aura aussi étrange… on croirait une étrange lumière voilée par une brume obscure et souillée par… par…
Les deux petites fées la regardèrent anxieusement.
- Non, rien.
- Mais… ce visage… j'ai l'impression de…
- Dora?
- Oh non, rien. Je me demandais ce que c'étaient que ces étranges croix qu'il a sous les yeux.
- Je lui ai souvent demandé d'où il venait… mais je n'ai jamais eu de réponse claire. Il assurait qu'il n'en avait aucun souvenir. Seulement des choses insensées comme un soleil vert et de grandes fleurs.
Navi s'approcha en tremblotant du visage de Vaati.
- Il… me fait un peu… peur.
- Mais que faire? soupira Shayalen. Je pensais le présenter à Priscilla demain, à la fête.
- C'est une très bonne idée, assura Dora. Navi et moi pourrons veiller sur eux.
- Je croyais que tu voulais voir Link?
- C'est toi qui dis ça tout le temps!
- C'est bon, c'est bon, termina la sheikah. Je vous remercie.
Elle bâilla ouvertement en étirant les bras, puis se dirigea vers son lit empreint de chaleur.
Avant de se coucher, elle serra dans sa main le médaillon de métal rouge brillant orné de ce symbole : un oeil surmonté de trois triangles et souligné d'un trait.
C'était l'œil de la tribu sheikah. Elle ne savait pas pourquoi, tout d'un coup, elle voulait le protéger. C'était un souvenir de ses parents, après tout, morts il y avait bien longtemps de cela dans des circonstances atroces.
Elle se coucha sous les couvertures tièdes, puis les deux petites lumières vinrent se poser de part et d'autre de son oreiller. Puis elles trois se laissèrent guider vers le sommeil.